Un site exemplaire de zone humide sur le Val d’Allier Nord

Le secteur central du Val d’Allier Nord, entre les ponts de Villeneuve-sur-Allier et du Veurdre,
s’avère particulièrement préservé grâce à la prédominance d’une agriculture bocagère d’élevage bovin.

Les prairies de Paraize à Livry ©Caroline Pommier
Les prairies de Paraize à Livry ©Caroline Pommier

Situé sur les communes de Livry, Chantenay-St-Imbert et Tresnay en rive droite (dans la Nièvre) et sur celles du Veurdre, de St-Léopardin d’Augy et d’Aubigny en rive gauche (dans l’Allier), ce secteur a fait l’objet dans les années 80 d’acquisitions foncières à l’amiable, dans la perspective de la réalisation d’un barrage écrêteur de crues projeté par l’EPALA (établissement Public de la Loire et de ses Affluents) devenu aujourd’hui l’établissement public de bassin EPL (Etablissement Public Loire). C’est ainsi qu’ont été acquises environ 400 parcelles, pour un total de 650 ha sur les 2600 ha que devait recouvrir la zone sur-inondée en période de grande crue de l’Allier.

Cette maîtrise foncière publique de terrains disséminés sur le secteur, loués à des agriculteurs de façon précaire et avec des obligations environnementales, a certainement permis d’éviter que cette partie de bocage et de prairies soit détruite et remplacée par des cultures intensives irriguées, comme cela a été le cas en amont. N’ayant pas été drainées, les prairies sont inondées chaque année au cours de l’automne et les terrains retiennent l’eau qui alimente ainsi la nappe phréatique alluviale.

Ce n’est pas un hasard si cette situation figée a permis de conserver une riche biodiversité autour de la rivière, grâce au maintien de la mosaïque d’habitats jusqu’alors préservée : lit mineur, bras morts, ripisylve, prairies d’élevage et de fauche, mares, haies et arbres, etc. Le seul inconvénient en a été que le patrimoine bâti, souvent confié aux communes concernées, n’a pas été entretenu pendant plus de quarante ans, jusqu’à menacer ruine aujourd’hui dans la plupart des cas, comme c’est le cas du manoir de Barbarin dont l’état d’abandon est choquant.

Aujourd’hui, après trente-cinq ans d’immobilisme depuis l’arrêt du projet de barrage à la suite des actions associatives du WWF, de SOS Loire Vivante et de l’Association de Défense de l’Allier (ADA devenue Allier Sauvage en 2006), l’Etat vient en 2024 de laisser libre l’EPL de disposer de ses terrains. L’objectif de celui-ci serait maintenant de revendre ses propriétés bâties et de conserver ses terrains agricoles, afin de préserver cette importante zone d’expansion des crues (ZEC).

Barbarin à Livry ©Caroline Pommier
Barbarin à Chantenay St-Imbert ©Caroline Pommier
Prairies inondées à Livry ©Allier Sauvage
Prairies inondées à Livry ©Allier Sauvage

En effet, ce secteur amont du Veurdre, comme une bonne partie du val d’Allier Nord, a jusque-là échappé à l’ère d’assèchement moderne, caractérisée par la chenalisation des ruisseaux, la destruction des haies, le retournement des prairies, le drainage et l’irrigation, avec les graves conséquences que l’on connait : abaissement et réduction de capacité des nappes phréatiques, qui constituent nos réserves d’eau potable, concentration des pollutions de l’eau, accélération des crues, perte de biodiversité, etc.

Il s’agit là d’un bel exemple de ce « milieu rivière » (riverscape) cher au philosophe Baptiste Morizot, caractérisé par un hydrosystème interconnecté formé par la rivière elle-même et son lit mineur, les ripisylves qui la borde, et la plaine alluviale qui abrite sa nappe souterraine d’accompagnement, ses ruisseaux et ses mares, parfois formées par d’anciens bras morts.

Le site possède donc cette capacité précieuse à la fois de filtration et de rétention de l’eau, grâce à son couvert végétal, au système racinaire et au sous-sol vivant de ses prairies préservées (1% de plus de matière organique dans le sol sur 15 cm de profondeur, c’est 250 m3 d’eau en plus à l’hectare !).

 Or, en cette période de réchauffement climatique, réhydrater les sols est une priorité absolue et, pour cela au moins, cette section du val d’Allier présente toutes les qualités d’un site démonstrateur, dont les communes, les habitants et les agriculteurs peuvent partager la fierté, méritant de faire référence pour les politiques à venir de préservation et de restauration du val d’Allier. 

C’est pourquoi, le secteur est identifié dans le programme de recherche sur l’agriculture du Val d’Allier Nord, lancé par le Consortium formé par l’INRAe, comme site potentiel pour un projet de préservation et de valorisation basé sur un plan de gestion agricole.

Dans cette perspective, Allier Sauvage participe à la concertation locale sur l’inventaire des milieux humides réalisé dans le cadre du SAGE ALLIER AVAL (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et projette de faire réaliser un inventaire des habitats et espèces protégées d’intérêt communautaire, afin de compléter l’expertise scientifique du site.

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