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Manger du silure pour préserver les saumons

Depuis plusieurs années, l’envahissement de tous les bassins hydrographiques français par le silure provoque un grave déséquilibre dans la faune piscicole en particulier migratrice, comme en témoigne la chute vertigineuse du nombre de saumons observés lors de leur passage à Vichy (64 en 2024). La meilleure façon de limiter les déséquilibres causés par ce super-prédateur aussi disgracieux qu’opportuniste, c’est de ne pas le remettre à l’eau une fois pêché et aussi de le consommer, pour exercer sur lui une pression régulatrice. C’est ce que proposent déjà certains jeunes chefs actuels en inscrivant à leurs cartes quelques délicieuses recettes de silure, dans une perspective de réintroduction des poissons d’eau douce dans l’assiette, pour favoriser les circuits courts tout en préservant les poissons de mer.

Parallèlement à une action collective engagée pour obtenir un classement du silure interdisant de le remettre à l’eau une fois pêché, Allier Sauvage va s’associer à ce mouvement en proposant une dégustation à base de chair de silures pêchés dans l’Allier, pour en faire découvrir la valeur gustative et donner envie à ses pêcheurs de ne plus les remettre à l’eau. Une première occasion devrait en être donnée sur son stand du prochain FestiGrues qui sera organisé au château de Meauce les 25 et 26 octobre 2025 :

Pour en savoir plus :

Originaire du Danube et introduit dans le bassin de la Loire dans les années 80, le silure glane est une espèce « exotique envahissante », qui menace la survie des autres espèces et en particulier celle des poissons migrateurs protégés, dont le grand saumon atlantique. Ce poisson impressionnant, dont les plus gros spécimens de l’Allier dépassent souvent les 2 m, n’est bien sûr pas la seule cause de la disparition des migrateurs et c’est surtout au pied des barrages que les poissons ralentis deviennent des proies faciles pour les silures qui s’y regroupent.

De plus en plus nombreux sur l’Allier et de plus en plus gros, les silures font le bonheur de pêcheurs de loisir adeptes du « no kill », qui les remettent à l’eau après s’être filmés avec leurs trophées, comme en témoigne la profusion de vidéos disponibles sur internet.

Depuis 2012, la polémique sur l’impact négatif du silure monte en puissance, y compris dans le milieu de la pêche lui-même dont les pêcheurs sont divisés sur le sujet, tandis que l’Association Internationale de Défense du Saumon Atlantique, la Fédération de pêche de Haute-Loire, le Conservatoire National du Saumon Sauvage et l’Association des Pêcheurs Professionnels de Loire-Bretagne tirent la sonnette d’alarme sans succès. Pourtant, les quelques études scientifiques sérieuses réalisées, notamment par EcoLab de Toulouse sur la Garonne et par l’UMR CITERES de l’Université de Tours sur la Loire, la Vienne et la Creuse, ainsi que par l’EPIDOR sur la Dordogne, le démontrent sans ambiguïté : la prédation causée par les silures sur les poissons migrateurs représente un nouveau facteur aggravant qui en menace la survie. Et dans le même temps la Ligue de Protection des Oiseaux alerte sur la prédation exercée par les silures sur les oiseaux d’eau, tels que les grèbes huppées par exemple. Plusieurs courriers ont été adressés au Ministère de la Transition Ecologique par différentes associations de protection de l’environnement pour demander le classement du silure comme  « espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques ».

Quant à la Fédération Nationale de la Pêche en France et l’association LOGRAMI (Loire Grands Migrateurs), tout comme certains responsables de l’Office Français de la Biodiversité, ils semblent encore renâcler aujourd’hui à s’attaquer sérieusement au problème, sans doute pour ne pas contrarier ces pêcheurs amateurs de gros monstres, dont la contribution à l’économie de la pêche de loisir est importante (cartes, équipement, matériel, etc). Il faut dire que le climat est tendu, comme en témoigne la vandalisation en 2024 de 40 pièges à silures sur la Dordogne, alors que le Préfet de Nouvelle Aquitaine avait ordonné le déploiement de pêches de régulation destinées à retirer les silures de certains sites particulièrement meurtriers pour les poissons migrateurs.

 « À l’heure actuelle, nous perdons des poissons migrateurs, à cause de la conjonction de l’absence de continuité écologique et des silures, qui engendre des taux de prédation de 80 % à 100 % des lamproies, aloses et saumons. » (Olivier Thibault, directeur de l’Office Français de la Biodiversité)